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Lotharius Magister, pour vous en resservir
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21 décembre 2008

Expressions honnies (Episode 1)

Je ne sais pas si cela valait la peine d'ouvrir une nouvelle rubrique pour autant, mais je ne pense pas que ce qui suit convient à la rubrique « Abécédaire ». On verra donc ce que cela donnera et si, à l'avenir, de nouveaux tics de langages viendront encore remplir ces colonnes. Voici donc une liste des expressions qu’on entend souvent et qui ont le don de m’exaspérer. Ça doit vous le faire aussi, cet espèce d’agacement, de hérissement de duvet à l’écoute de certaines phrases toutes faites, de clichés surexploités, d’expressions utilisées à tort et à travers.

Croquer la vie à pleines dents : non mais qu’est-ce que c’est que cet image toute pourrie ? Les trucs qui se croquent à pleines dents, en général, ce sont des fruits. Je vous conseille la pomme ou la poire. Évitez tout de même les fruits trop juteux pour ne pas vous en mettre partout et surtout mâchez bien avant d’avaler, parce que quand on croque à pleines dents (pour le peu que les dites dents soient en bon état), ça fait des gros morceaux dans la bouche. En tout cas, évitez de vous faire mal en croquant la vie. Ca ne veut rien dire et ça ne sert à rien. Mais à part ça, vous pouvez continuer de profiter de la vie, ne vous gênez pas pour moi.

 



Être pétri de certitudes ou d'autre chose, selon l’interlocuteur qui vous pétrira à sa guise avec ce qui lui tombe sous la main comme reproche à vous faire. Avant, cette action était l’apanage des boulangers qui pétrissaient surtout de la pâte à pain, et qui étaient bien embêtés quand il n'y avait plus de quoi pétrir, car ils se retrouvaient dans le pétrin. Mais comme certains d’entre nous sont trop bonne pâte, ils gobent tout ce qu’on leur raconte et y croient dur comme fer, du coup, ils sont pétris de certitudes. Du grand n’importe quoi. J’suis pétri de stupeur quand j‘entends ça.

 



Tourner une page de publicité est une expression heureusement tombée en désuétude. Je l'entendais à longueur d’émission dans les années 80. Je vous situe le contexte : nous sommes à la télévision, une personne payée pour montrer sa plus ou moins jolie gueule dans la lucarne l’est également pour nous avertir que la direction de la chaîne nous impose quelques minutes de spots publicitaires. Le présentateur ou la présentatrice pourrait annoncer en toute honnêteté : « C’est bon les gars, vous pouvez aller pisser en vitesse en attendant que l’émission reprenne parce qu’on doit changer la configuration du plateau et un invité est un peu à la bourre. Alors si au passage vous voulez vous chopper une bière au frigo, allez-y gaiement, on s’occupe de tout ! » Au lieu de cela, le beau gosse ou la belle garce de service essaie de nous faire croire que nous sommes en train de lire un magazine et qu’entre un reportage photo et un article sur l’épilation masculine se trouve quelques encarts publicitaires qu’il nous est totalement loisible de passer sans regarder. C’est à nous de tourner la page (de pub) pour revenir à la suite.

Déjà à l’époque, la télé nous prenait vraiment pour des cons.

 



Dans le cadre de / au niveau de / vis-à-vis de : ceux-là sont au langage ce qu’Eric et Ramzi sont à l’humour : des plaies.

En guise d'exemple, penchons-nous sur ce petit condensé de déclarations de ce délégué syndical (transcription au mot-à-mot que j'avais faite lors d'une réunion) : « […]ces trois points à distribuer vis-à-vis des gens qui font de la manutention au niveau de chez Delhaize » ou encore : « Et donc ma question va aussi bien vis-à-vis du Service, je dirais, de la Médecine du Travail, aussi vis-à-vis, effectivement, du Service Interne de Prévention, donc des conseillers en la matière, dans le cadre, effectivement, de leurs recommandations, qu’ils font, dans le cadre, effectivement, des visites approfondies, des visites spontanées, je ne sais tout quoi, hein, parce que … »

Eh oui, une question dans le cadre des recommandations faites dans le cadre de visites ! Au niveau de l’intelligibilité, je propose de bannir ces expression du vocabulaire courant et d'interdire au prolos de se « recauser » comme dit mon père en parlant de ceux qui éructent plus haut que leur cul.

 



Voici une locution qui en soi n'est pas une aberration, mais qui m'irrite par son omniprésence et surtout son usage multiple et répété absolument inadapté au contexte. L'apogée de l'usage abusif a été atteint lors des retransmissions télévisées des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin. Lors d'à peu près toutes les épreuves de toutes les disciplines possibles et imaginables, l'on pouvait assister à la montée en puissance d'un athlète lambda qui n'avait pour seul mérite que de confirmer une progression constante de ses performances au cours de la saison ou de la compétition ou parfois, après un début d'épreuve mitigé, de repasser la plupart de ses adversaires. A la longue, c'est usant. Le pire, c'est que cette expression galvaudée est restée quelques temps dans les bouches pour qualifier quasiment toutes les remontées notoires, les performances remarquables, les progressions fulgurantes et mêmes les usages fréquents et les émergences, sans quelconque relation avec le sport. Vivement la chute en affaiblissement !

 



On vous l'a sûrement reproché aussi : il faut toujours appeler un chat un chat ... Et pourquoi, je vous prie, ne l'appellerais-je au moyen de divers sobriquets couramment attribués à cette espèce animale tels que mistigri, félin, greffier ou sac à puces et boule de poils ? Le mien s'appelle Chouchenn, mais je le hèle souvent par son surnom Chouchou. Il n'y que ma compagne pour fréquemment user de la dénomination « Le chat ! » quand il est en train de faire une bêtise. Dans ces situations-là, je le nomme « Nom de Dieu de sale bête », mais c'est plus long à dire et il ne s'entend pas à ce nom. 

Bref, l'injonction autoritaire selon laquelle il faut appeler un chat un chat implique qu’on ne peut l'appeler autrement que chat. Mais pourquoi justement prendre le chat en exemple ? N'aurait-on pas pu dire « il faut appeler un radiateur un radiateur » ? Les espagnols, à ce qu'il parait, disent « il faut appeler le vin le vin et le pain le pain ». Le choix du nom est tout aussi arbitraire. En revanche, je suis absolument d'accord pour nommer les choses par leur nom (ou, au demeurant, par un synonyme). Ce qui signifie qu'il faut cesser de parler à mots couverts ou par euphémismes. Ou par expressions sottes.

 

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