Storm Media / Stormmedia : gare aux usurpations Google !
Le téléphone sonne. Je décroche. De l'autre côté, en fond sonore, l'ambiance typique d'une plateforme téléphonique avec son brouhaha habituel.
– Monsieur Magister ? Ici Google France.
Jusque là, rien d'étonnant. J'avais inscrit depuis peu mon activité dans l'index de Google Local Business. Lors de l'inscription, il est bien stipulé que Google se réserve le droit de vous téléphoner afin de vérifier les informations que vous avez soumises. J'ai directement pensé à cela.
– Nous vous appellons car vous êtes auto-entrepreneur. Depuis le début de cette année 160.000 personnes se sont inscrites à ce nouveau régime et Google a décidé de leur faire une petite place dans son moteur de recherche. Nous vous proposons d'améliorer votre référencement.
Tiens donc, Google fait dans le social maintenant ? J'écoute, pensant découvrir un nouveau service de Google.
– Nous vous proposons de rédiger une courte annonce pour votre entreprise et de la placer avantageusement en première page des résultats de notre moteur de recherche avec un lien vers votre site pour les recherches faites dans votre région et les régions autour de la votre. Vous choisissez pour cela 5 mots-clés et après un mois, nous vous renvoyons les statistiques et il est possible d'ajuster vos mots-clés à votre convenance. C'est 140 euros pour le mois d'essai, puis 40 euros pour les mois suivants.
Je fais vaguement le lien avec les liens sponsorisés proposés par le service Google Adwords, qui utilise pourtant le principe du pay per click. Peut-être ofre-t-il le service maintenant à coût fixe.
– Je ne suis pas très intéressé. J'utilise déjà pas mal de services Google. Je suis déjà répertorié dans Google Local Business, sur Google Maps.
– Je sais, je vois votre profil. Et la dame lit la première phrase de la description de mes services.
– De plus, ma clientèle cible est plutôt située en Flandre et aux Pays-Bas.
– Attendez, je demande à mon chef. (Après un instant) Il me dit que c'est tout à fait possible de cibler une autre région, même étrangère, et c'est le même prix.
Allons bon, comme par hasard. Je décide de me laisser le temps de réfléchir. Peut-être que l'opération pub peut valoir le coup malgré son prix. Je lui dit donc que cela ne coûte rien de m'envoyer un mail détaillé de l'offre. Elle répond qu'elle ne me donne que 24 heures de réflexion, car c'est la politique du premier arrivé, premier servi. D'accord, dis-je, on verra ma réponse demain. Et là, stupeur : elle me demande mon adresse e-mail ! Je lui dicte, un peu surpris, mon adresse Gmail. « Ah c'est bien, vous êtes déjà chez nous pour vos mails ! » Sans blagues ? Elle dit travailler pour Google France, voir mon Google Profile, mais elle est surprise que j'utilise une boîte Gmail (qui est, je le rappelle, indispensable pour environ tous les services de Google).
Elle raccroche, mais je suis pris d'un doute. Je vérifie mon profile Google. C'est bien ce qui me semblait : il n'est nulle part fait mention de mon statut d'auto-entrepreneur. De plus, la phrase qu'elle m'a lu ne correspond pas à la description que j'ai écrite et mes coordonnées téléphoniques sont cachées. En fait, elle a utilisé mon profil sur un index d'auto-entrepreneurs, où l'on retrouve mon numéro de portable et la phrase qu'elle a lu.
Une dizaine de minutes plus tard, je reçois l'e-mail. Plus de doutes possibles : cette société n'a rien à voir avec Google ! Il est signé « Google Storm Media ». Après une recherche simple dans, justement, Google, je trouve plus d'informations sur cette société qui démarche donc en se faisant passer pour le moteur de recherche. Il s'agit tout bonnement d'une fraude.
Le truc est simple : ils appellent en se faisant passer pour Google et proposent, ni plus ni moins, ce que propose Google AdWord ! Je me suis inscrit et j'ai simulé une campagne pour vérifier. Il s'agit bien de la même chose, mais en moins cher. Tout ce que fait Storm Media, c'est d'ouvrir une campagne Google AdWord pour vous (je suppose avec un gros compte client à eux), et de se sucrer très largement au passage : 140 euros pour le premier mois, au lieu des 10 euros d'activation réclamés par Google. Ensuite, le budget mensuel est libre.
Ainsi, on ne trouve aucune trace de plainte déposée à leur encontre par Google : pour eux, Storm Media doit être un gros client AdWord qui fait de la sous-traitance. En soi, cela n'a rien d'illégal, car n'importe quelle société de SEO (Search Engine Optimizer) peut vous proposer la même chose. Si ce n'est que Storm Media se fait passer pour Google en démarchant, mais pousse la prudence à se nommer « société représentative de Google » dans leurs mails, pour ne pas laisser de traces. C'est de l'usurpation, pure et simple, et ça, c'est illégal.
Auto-entrepreneurs, si vous lisez ceci, ne vous faites pas avoir : même si le service proposé fonctionne, ne payez pas ces arnaqueurs pour un service que vous pouvez activer vous-même, et au budget que vous désirez.
Storm Media opère depuis plus d'un an. Ils ont commencé par démarcher des sociétés irlandaises en utilisant la même méthode de pêche aux numéros dans des annuaires professionnels. Ensuite, ils ont ciblé le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Actuellement, ils opèrent depuis l'Espagne en ciblant les auto-entrepreneurs français. Ils ont entre-temps changé plusieurs fois de nom : Storm Media, Match Maker, Top Spot Marketing, Zenith Marketing, Sphere Marketing, First Search Consultancy, First Search Consultancy, Apex Media, etc.
Retrouvez ici l'article (en anglais) qui m'a mis la puce à l'oreille : http://www.ronanobrien.info/selling-first-place-on-google-scam/
Apparemment, ils étaient bien moins prudent auparavant : ils prétendaient vous offrir la première place des recherches organiques dans Google (ce qui absolument impossible à faire, à moins de recourir au procédé condamnable de bombardement Google) et envoyaient des mails avec le logo de Google en en-tête. En réajustant leur technique, ils restent dans un cadre tout à fait légal, l'usurpation ne dépassant pas le stade du démarchage.
P.S. : Ils devaient me rappeler le lendemain, mais j'ai envoyé un e-mail quelques heures plus tard pour décliner leur offre et en précisant qu'il n'était plus la peine de me téléphoner. Engager la conversation sur leur usurpation ne servirait à rien, encore moins avec une opératrice de call center qui n'est évidemment pas une preneuse de décisions dans la société.